My life;my nightmare. [Libre]

Le chagrin est une sorte de chat sauvage, de couleur grise. Son cri est plutôt triste et lugubre. Il faut se mettre à plusieurs pour en venir à bout. Car, tout seul, on arrive mal à chasser le chagrin.
(Francis Blanche)

L

es battements du coeur de Summer Dream s'accéléraient. Se maudissant silencieusement pour sa témérité, elle fit volte face et prit un nouveau sentier.
Avec un sourire triste, elle pensa à ce qu'aurait dit son père s'il avait su qu'elle s'était perdue dans la forêt.
Il aurait sûrement secoué la tête, exaspéré, et aurait dit en soupirant :
"Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi, Summer ?"
Il l'avait toujours mise en garde du danger qu'offrait cette forêt. N'importe qui pouvait s'y perdre s'il s'éloignait trop de la lisière.
Elle se demanda si Sewin Sharlow s'y était déjà perdu, lui aussi.
Comment avait-elle encore réussit à se mettre dans de beaux draps ? Eh bien, c'était simple - et stupide. Elle connaissait comme sa peau chaque terre mixte et toutes celles de son troupeau. Sauf la Forêt Bleue. Envisageant qu'il s'agissait une lacune inadmissible dans son expérience, elle avait décidé d'en faire l'exploration complète.
Et voila. Elle avait du s'enfoncer trop loin dans les profondeurs de la forêt. Ou alors, il s'agissait seulement de sa malchance habituelle.

Être la fille du dominant lui avait presque donné un rang royal. Pouliche, elle avait l'habitude de se pavaner tel une princesse sur les terres des Black King, vrillant les autres chevaux d'un oeil dédaigneux. Elle se dressait fièrement du haut de ses 1m57, la tête haute, frétillant de la queue comme un poisson. Elle aspirait par dessus tout devenir la dominante de son troupeau, ce qui était évidemment impossible. Mais les meilleurs rêves sont toujours les plus insaisissables.
Et puis, ses promenades dans le territoire avaient commencé à la lasser. Elle se mit à rêver d'explorations et d'aventures, elle était curieuse de savoir ce qui se trouvait de l'autre côté des limites du territoire.
Elle l'avait découvert dès qu'elle avait été assez âgée pour s'éloigner de sa mère. Elle qui, dans son ignorance innocente, avait cru que le monde était tout petit, qu'il se limitait aux quelques territoires de son troupeau, elle avait été rudement détrompée.
L'émerveillement l'avait envahie alors qu'elle contemplait ces terres inexplorées, ces vastes paysages qui semblaient infinis, illimités contrairement aux terres des Black King, plus magnifiques les uns que les autres.
Elle découvrait pour la première fois l'immensité du monde et elle tomba éperdument amoureuse de ces montagnes, de ces vallées, de ces plaines, de ces plages et ces champs. Elle voyait l'univers d'un nouveau regard.
Combien de fois ne s'était-elle pas fait réprimander par son père à cause de ces escapades de plus en plus fréquentes ? Combien de risques avait-elle couru, de dangers desquels elle s'était tirée in extrémis ? Combien d'ennuis avait-elle causés à son clan ?
Elle ne serait le dire aujourd'hui. Mais elle avait été brutalement ramenée à la réalité par son père lorsqu'elle avait remarqué le regard qu'il lui réservait toujours dès qu'il posait les yeux sur elle. La déception, la honte qu'elle y lisait étaient insupportables et lui brisaient le coeur. Elle savait qu'il aurait voulut un mâle, qu'il n'aurait pas d'héritier et sa rancœur s'accentuait de jour en jour, plus il vieillissait. Elle avait longtemps essayé d'attirer ses faveurs, de lui rendre service, de lui prouver sa vraie valeur, mais il ne lui accordait pas la moindre intention. Chaque tentative de plus en plus désespérée ne lui amenait que de nouveaux ennuis.
Frustrée, désillusionnée, blessée dans son amour propre, elle avait finit par abandonner, et s'était retirée dans ses explorations de la nature, se perdant dans les terres sauvages comme on se noie dans l'alcool pour oublier ses malheurs.

C'était sa vie, son histoire, son enfer...

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